6 mars 2017
«Affaire Fillon » : quelques éléments de réponse aux questions que vous vous posez
François Fillon est-il victime d’acharnement de la part de la justice ou est-il traité comme un justiciable comme les autres ? La Justice veut-elle « l’exécuter », comme il le prétend, ou existe-t-il une justice à deux vitesses, comme le dénonce la vox populi ?
Efforçons nous de répondre à ces questions de façon dépassionnée, à la lumière d’une expérience éprouvée en la matière.
Première question : La justice a-t-elle fait preuve d’une particulière célérité ?
La réponse tient dans la chronologie :
1- Le Parquet National Financier s’est autosaisi en 24 heures, sur la base des seules « révélations » d’un article du Canard Enchaîné, ce qui tout à fait inhabituel. Il est vrai que la situation ne l’était pas moins et que François Fillon lui-même pouvait avoir intérêt à ce que cette affaire soit réglée dans les meilleurs délais.
2- L’enquête a été menée à un rythme, dont il est permis d’affirmer qu’il n’aurait pas été appliqué à un justiciable lambda. La durée pour ce type d’enquête est en général de 12 à 18 mois.
3- Alors que cette enquête n’était donc pas achevée, une information judiciaire a été ouverte dans la plus grande précipitation.
4- Les juges d’instruction désignés ont convoqué François Fillon en vue de sa mise en examen, 10 jours après leur saisine, ce qui est là encore très inhabituel.
Indépendamment de la question de la compétence du PNF soulevée par la défense de François Fillon, rien dans cette chronologie n’est contraire à la loi. Mais tout dans cette précipitation déroge à ce qui se passe usuellement en la matière.
Deuxième question: Était-il possible de faire autrement ?
Dans sa défense François Fillon tente d’opposer la justice des juges à la justice des urnes. Il devrait pourtant savoir que cela n’a jamais profité à personne, sauf aux extrémistes pour qui la justice étant pourrie, seul compte le recours au peuple. On sait où cela mène. Rappelons donc avec force que dans notre État de droit, la justice est rendue au nom du peuple français, pas par le peuple français.
Le report de la mise en examen de François Fillon, si elle s’avérerait nécessaire, ne reviendrait pas à le « blanchir » des faits dont on l’accuse. On l’a vu avec Messieurs Chirac et Sarkozy qui ont échappé à une mise en examen avant leur élection mais qui ont été « rattrapés » par la justice au terme de leurs mandats. S’il est permis de penser que les faits qui lui sont reprochés rendent François Fillon illégitime à présider notre Pays, cette appréciation relève, à ce stade, de l’opinion du peuple, pas des juges. Il aurait pu en être autrement si la justice avait été en mesure de le juger avant les élections. Mais en conduisant l’enquête dans de telles conditions et en en le convoquant pour une mise en examen 48 heures avant la clôture du dépôt des déclarations de candidatures à l’élection présidentielle, les juges empiètent incontestablement sur un domaine qui n’est pas le leur. Si aucune règle de droit n’interdit un tel calendrier, aucun texte ne l’impose. Il s’agit donc d’un choix.
Troisième question : et maintenant ?
François Fillon est convoqué le 15 mars. À l’instar de Marine Le Pen, il pourrait décider de ne pas déférer à cette convocation en invoquant son immunité parlementaire. Les juges seraient alors contraints de saisir le bureau de l’assemblée pour obtenir la levée de cette immunité. Rien ne permet de penser qu’ils l’obtiendraient avant les élections, permettant ainsi au candidat Fillon de se présenter devant les français sans le boulet de la mise en examen. On comprend cependant qu’il lui soit difficile d’adopter la même ligne de défense que son adversaire d’extrême droite. Il se présentera donc. Bien qu’il soit convoqué à cette fin, sa mise en examen n’est pas inéluctable. Au terme du débat qui s’instaurera dans le secret du cabinet des juges, il demeure possible que lui soit conféré le statut de témoin assisté, comme ce fut le cas pour Nicolas Sarkozy dans l’affaire Bettencourt et dans celle de ses comptes de campagne. Les juges auront pour cela à dire s’il existe, en l’état du dossier, des indices graves ou concordants rendant vraisemblable sa participation aux faits qui lui sont reprochés. Il est à craindre que le calendrier qu’ils ont fixé préjuge de leur décision. Et cela n’est pas normal.
Comme n’est pas normal, et il s’agit d’un euphémisme, le fait de retrouver l’intégralité du dossier, avec analyse et commentaires de toutes les auditions, dans la dernière édition d’un journal du dimanche, alors qu’à ce stade, seuls les policiers, les magistrats du PNF et les juges d’instruction y ont accès. Le principe d’une telle divulgation (pour le coup hélas usuelle), comme sa date, interrogent aussi…