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    31 août 2020

    Violences et dégradations lors de la finale de la Ligue des Champions – Quels recours pour les victimes ?

    Auteur : Arnaud-G. RICHARD

    Les violences et dégradations commises à Paris en marge du match de la Ligue des champions PSG-Bayern, le 23 août 2020, imposent un débat sur la réparation des dommages. A cet égard, la prise en charge (partielle) par l’Etat, via plusieurs dispositifs de responsabilité et d’indemnisation, ne saurait suffire et ce d’autant qu’elle apparaît, à beaucoup, inique.

    Comment admettre que ces troubles soient réparés par la solidarité nationale alors que l’évènement dont ils sont la suite engendre d’importants revenus pour son organisateur ?

    L’indemnisation par l’Etat
    Violences ou dégradations matérielles, il s’agit là d’infractions pénales. Dès lors, les victimes peuvent non seulement se constituer partie civile et demander réparation à l’auteur, à condition qu’il soit -faible probabilité- identifié et solvable, mais aussi et surtout obtenir réparation de la part du Fonds de garantie des victimes (FGTI)[1].

    Mais l’on se heurte à des limites.
    Les premières sont d’ordre technique dans la mesure où ce dispositif a été pensé avant tout comme une garantie de réparation des dommages corporels – les dommages matériels, eux, nécessitent pour pouvoir être réparés que soient remplies des conditions drastiques, et font l’objet d’une indemnisation plafonnée. La réparation des préjudices d’ordre commercial (par exemple une perte de recettes d’exploitation), qui plus est en cette année inédite après la crise sanitaire et les fermetures vécues pendant plus de deux mois, s’avère impossible ! Les propriétaires de commerces dont les vitrines ont été saccagées se verront donc souvent empêchés d’obtenir une réparation intégrale de leur préjudice de la part du FGTI. Leur seul recours sera alors éventuellement d’engager la responsabilité de l’Etat du fait des attroupements et des rassemblements devant le Tribunal administratif [2], à condition toutefois que les dégradations n’aient pas été préméditées[3].…Or, rien n’est moins sûr ! Ceux qui ont cassé n’avaient-ils pas ce dessein en se rendant sur les Champs-Elysées et près du Parc des Princes ?
    Les secondes tiennent à l’équité et à une logique de finances publiques, car l’Etat ne peut, comme l’a souligné le Conseil d’Etat dans son rapport de 2005, «jouer le rôle d’assureur multirisque de la population et le coût supporté par la collectivité n’est pas extensible à l’infini ». C’est d’autant plus vrai que la dette publique croît jusqu’au vertige.

     

    La responsabilité des acteurs privés
    On peut d’abord imaginer engager la responsabilité des associations de supporters. C’est dans la prolongation de l’arrêt Blieck, posant les jalons controversés d’un principe général de responsabilité du fait d’autrui, que certaines Cours d’appel ont consacré la responsabilité des associations de supporters ayant pour mission « d’organiser, de diriger et de contrôler l’activité de leurs membres » – membres qui, en l’occurrence, avaient saccagé deux autocars mis à leur disposition par l’association[4]. Cette solution, bien qu’innovante, ne semble toujours pas satisfaisante. D’abord car les violences et dégradations perpétrées ensuite des matchs, même par des supporters membres d’une association, le sont sur la voie publique, hors de son contrôle. Il est donc probable que les conditions de l’arrêt Blieck ne soient pas remplies. Ensuite, parce que ce ne sont sans doute pas des membres d’associations de supporters qui détruisent, notamment parce qu’ils se savent surveillés. Enfin parce que ce ne sont pas pour les associations de supporters que les matchs s’avèrent les plus lucratifs, loin de là, mais bien pour l’organisateur – en l’occurrence, dans le cas de la Ligue des Champions, l’UEFA.

    Les organisateurs d’évènements sportifs sont tenus d’une obligation[5] de sécurité de l’évènement. Les juridictions judiciaires ont eu l’occasion de consacrer l’existence de cette obligation de sécurité de moyens pesant sur l’organisateur d’événement sportif[6], qui s’étend au-delà des limites strictes du lieu de l’événement[7]. La responsabilité de l’organisateur peut ainsi être engagée sur un fondement contractuel par un spectateur ; elle pourrait également faire l’objet d’une action en responsabilité délictuelle par un tiers. Tout l’enjeu sera alors de caractériser non seulement la faute puisqu’il s’agit d’une obligation de moyens – c’est-à-dire l’insuffisance des mesures de sécurité en place – mais également le lien de causalité. Le lien de causalité entre la tenue du match et la survenance des troubles ressort à La Palice : s’il n’y avait pas eu de match, il n’y aurait pas eu de violence. Mais la mise en évidence d’un lien de causalité entre l’insuffisance de mesures de sécurité autour d’un match ayant eu lieu à Lisbonne et des débordements survenus en France promet d’être beaucoup plus ardue.
    Le juge devra faire preuve d’innovation et d’une forme de courage politique, dans la droite ligne des nouveaux principes juridiques qui intiment de mettre à charge du profiteur les coûts induits par son activité – au premier rang desquels le principe du pollueur payeur[8]. Si l’on facilement peut admettre que la réparation de certains risques sociaux inévitables soit supportée par la collectivité – par exemple les accidents médicaux – il est aussi impensable qu’impossible d’y souscrire lorsqu’il s’agit d’un risque prévisible, pris consciemment par des organisations lucratives.
    Dans un tel cas, il doit appartenir à l’UEFA et consorts, ainsi qu’à leurs assureurs[9], de supporter la charge indemnitaire et ce sans délai afin que l’activité reprenne, car les commerçants, eux, ne se voient pas octroyer de droits TV.

    Il est ainsi trois populations dans l’actuelle situation, deux en tirent bénéfices, la dernière en meurt.
    Les organisateurs, profitent financièrement, les casseurs, physiquement, psychologiquement, telle une catharsis, et peut-être, pour d’autres, osons le dire, politiquement.
    La dernière, au premier rang de laquelle, dimanche 23 août, figuraient de nombreux commerçants, est percluse par la sidération, perdue, hagarde face ce « spectacle » morne et délétère.
    Cela doit et peut cesser, les derniers peuvent devenir les premiers s’ils se mobilisent, réagissent.

    Arnaud-Gilbert RICHARD, avocat associé

    Sarah BAILLY, élève avocat


    [1] Conformément aux dispositions des articles 706-3 et suivants du Code de procédure pénale il convient à cet effet de déposer une requête auprès du FGTI (Fonds de Garantie des Victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions) via la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI).

    [2] CE, 29 décembre 2000, n°188974

    [3] CAA Paris, 12 juillet 2000, n°98PA03973, CAA Douai 24 février 2000, n°97DA10325, CAA Paris 13 mai 1997, n°95PA03404. Pour une réflexion sur l’essor du critère finaliste : La semaine juridique Administrations et collectivités territoriales, n°1-2, 9 janvier 2006, 1003, « Actualité de la responsabilité de l’Etat du fait des attroupements et des rassemblements », étude par Ludovic Garrido.

    [4] CA Aix en Provence, 9 octobre 2003, Association des supporters de l’OGC Nice c/ Sari Flash Azur Voyage

    [5] Articles L322-1 et suivants du Code du sport

    [6] CA Bourges, 17 novembre 2016, n°15/01711

    [7] CA Aix en Provence, 16 mai 2019, n°18/06780. Attention toutefois : la Cour précise ici que « la responsabilité de l’organisateur ne peut être indéfiniment étendue au plan géographique ».

    [8] Article L110-1 du Code de l’environnement

    [9] Obligatoires en vertu de l’article L321-1 du Code du sport.

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