29 novembre 2017
Révolution garantie
Entrepreneur du bâtiment ou bricoleur occasionnel : les dernières décisions de la Cour de cassation vous concernent et vont vous surprendre.
Afin de bien comprendre la portée des arrêts récemment rendus par la Cour de cassation en matière de responsabilité et d’assurance de construction, il faut rappeler qu’en application des articles 1792 et suivants du Code civil, le constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit des désordres qui le rendent impropre à sa destination. C’est à cette responsabilité que sont attachées les assurances obligatoires de construction.
A ce titre, il faut distinguer :
– La garantie décennale, qui protège le maître d’ouvrage dans les dix ans de la réception pour les désordres révélés dans ce délai qui rendent l’ouvrage impropre à sa destination ou qui portent atteinte à sa solidité,
– La garantie biennale, qui, pendant deux ans, doit prendre en charge les désordres qui affectent les éléments d’équipements installés à l’occasion de la construction de l’ouvrage (volets, chauffage, etc).
Il était ainsi communément admis que les menus travaux ne relevaient pas des garanties légales de construction et que les éléments d’équipements installés postérieurement à la construction n’avaient pas non plus vocation à mobiliser une garantie légale. Un installateur de climatisation dans un appartement ancien n’avait pas à fournir une garantie décennale à son client particulier pour ne prendre que cet exemple.
Mais à l’inverse, il était tout aussi constant qu’un particulier qui réalisait lui-même des travaux d’une telle ampleur qu’ils constituaient un ouvrage de construction, devait à son acquéreur, dans les dix ans des travaux, une garantie décennale, avec toutes les conséquences dramatiques que cela peut entrainer en raison du défaut de souscription d’assurance.
Alors que rien n’avait annoncé un tel chamboulement, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a stupéfié les professionnels du secteur par trois décisions successives :
1 – Arrêt du 15 juin 2017 (16-19640) : le dysfonctionnement d’une pompe à chaleur, même installée postérieurement à la construction de l’ouvrage, relève de la garantie décennale dès lors que le désordre rend l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination (ce qui est le cas d’un bâtiment privé d’eau chaude et de chauffage).
2 –Arrêt du 29 juin 2017 (16-16637) : la règle issue de de la décision précédente a vocation à s’appliquer même en cas de dégradations et gondolement d’un revêtement de sol, considéré comme un élément d’équipement.
3 – Arrêt du 26 octobre 2017 (16-18120) : l’obligation d’assurance des travaux qui relèvent des garanties légales de constructions s’étend à l’installation d’éléments d’équipements sur existants.
En trois décisions, la Cour de cassation a donc :
– Ecarté le critère de « construction d’un ouvrage », qui était pourtant le fondement des garanties légales de construction et partant, fait entrer tout une catégorie de travaux dans le girons de ces garanties légales,
–Elargi à outrance la notion d’éléments d’équipements en considérant qu’un revêtement de sol relève de cette catégorie,
– Puis, confronté au défaut d’assurance de ces travaux nouvellement considérés comme relevant des garanties légales, affirmé purement et simplement que ces garanties avaient vocation à couvrir de tels travaux, quand bien même l’article L 243-1-1 II semble indiquer le contraire,
– Enfin, laissé subsister la question du sort à réserver au particulier qui a entrepris de lui-même la réalisation de menus travaux à son domicile comme la pose d’un revêtement de sol, au regard de la garantie légale due à son acquéreur en cas de vente dans les dix ans.
Dans ces circonstances, les réactions croisées des juges du fonds, des assureurs et du législateur seront observées et examinées avec le plus grand intérêt.